Corrigé Bac Sujet bac - 2025 - Français - Commentaire

Sujet bac : Annale 2025

ÉPREUVE DE FRANÇAIS
SUJET CENTRES ETRANGERS – ASIE

OBJET D’ÉTUDE – La poésie du XIXe siècle au XXIe siècle

COMMENTAIRE DE TEXTE : Guillaume Apollinaire [1880-1918], « La Mésange », extrait du recueil Ombre de mon amour édité à titre posthume en 1947, puis en 1955 sous le titre Poèmes à Lou.

Introduction

Le poème intitulé « La Mésange » est extrait du recueil Ombre de mon amour, publié à titre posthume en 1947, puis intégré en 1955 dans le recueil Poèmes à Lou de Guillaume Apollinaire.
Ces poèmes sont écrits en 1914, à l’approche de la guerre, et dédiés à Louise de Coligny-Châtillon, une femme que le poète a aimée éperdument et qu’il a rencontrée juste avant son départ pour le front.

bannière astuce

Astuce

Contexte :
Dans ce début d’introduction, vous devez d’abord contextualiser le texte à étudier (titre du poème et du recueil, date, contexte précis d’écriture, y compris historique lorsque cela s’y prête ; ici, c’est essentiel). Reprenez systématiquement les informations données par le paratexte.

Dans ce long poème, composé de 8 quintils octosyllabiques, écrit le 2 février 1915, Apollinaire exprime son amour passionné pour Louise, coloré par l’angoisse de la séparation et par la violence de la guerre imminente.

bannière astuce

Astuce

Présentation du texte :
Cette phrase reprend de manière simple le thème du poème (et répond ainsi aux questions : de quoi parle ce texte ? quel en est le sujet principal ?). Des éléments de versification (type de strophes, types de vers, schéma des rimes) peuvent être intégrés à ce moment-là.

Les thèmes de l’amour et de la guerre s’y entrelacent dans un élan lyrique qui déplace la mobilisation militaire au service de la France en guerre à celui de la femme aimée et de la poésie. Dans quelle mesure le poème peut-il être lu comme un hymne à l’amour et à la poésie, rempart contre la violence de la guerre ? [problématique] Nous verrons que le poème fait entendre une voix amoureuse intense [I], où les images guerrières viennent dire l’intensité de la passion [II]. Puis nous analyserons le motif de la mésange comme un avatar de la femme aimée et des pouvoirs de la poésie dans un monde en guerre [III+ annonce du plan].

bannière astuce

Astuce

Récapitulatif :
Les différentes parties d’une introduction de commentaire sont les suivantes, dans l’ordre :

  • la phrase d’accroche qui reprend les informations du paratexte ou à défaut, la date, le titre, le nom de l’auteur, le contexte particulier d’écriture ;
  • la formulation globale du thème du texte ou le résumé bref de l’extrait ;
  • l’énoncé de la problématique, sous forme de question directe ou indirecte ;
  • l’annonce du plan qui répond, en plusieurs points, à la question soulevée par le texte (la problématique).

La voix lyrique d’un amant éperdu qui promet un engagement total

bannière attention

Attention

Les titres de partie sont présents ici à titre d’indication. Le jour de l’examen, vous ne devrez pas les faire apparaitre sur votre copie !

Dès les premiers vers, le poète évoque une situation d’attente : « Les soldats s’en vont lentement / Dans la nuit trouble de la ville » (v. 1-2). Ce décor nocturne installe une atmosphère de mélancolie et d’inquiétude. Mais dans ce contexte sombre, le locuteur affirme la présence d’un amour exclusif et passionné : « Entends battre mon cœur d’amant / Ce cœur en vaut bien plus de mille » (v. 3-4). Le poète interpelle la femme aimée directement, à l’impératif, ce qui lui permet à la fois de lui assurer son amour (« mon cœur d’amant ») mais aussi de lui demander de ne pas l’oublier (l’impératif « entends »).
L’hyperbole exprime la force du sentiment amoureux qui surpasse celui des autres soldats : son cœur à lui seul vaut « plus de mille ». Cette déclaration est marquée par la répétition de « je t’aime éperdument » (v. 5-6). L’adverbe « éperdument » souligne une perte de contrôle, une soumission complète au sentiment amoureux que Lou lui inspire.
Enfin, l’aveu mélancolique du vers 7 témoigne d’un amour si puissant qu’il occulte le reste du monde. Sans Lou, le poète est perdu, déboussolé : « J’ai perdu le sens de la vie », « Je ne connais plus la lumière ». La lumière au vers 8 peut être interprétée comme la métaphore du bonheur amoureux que lui inspire la femme aimée. Le poète l’énonce explicitement au vers 9 : l’amour qu’il éprouve pour Lou est désormais son « soleil », qui éclaire, mais aussi qui réchauffe et qui réconforte.
Le poème donne ainsi forme, dans un élan lyrique, à sa passion pour Lou. L’amour devient la seule lumière de son l’existence, dans un monde déstabilisé par la guerre. [conclusion partielle de la première partie]

La métaphore militaire au service de l’engagement amoureux

À partir du vers 11, le poème prend un tournant martial1 mais ce lexique de la guerre se met au service de l’expression du sentiment amoureux. Le cœur du poète devient un « cœur d’Artilleur » (v. 12), prêt à se mettre « en batterie » (v. 13). En d’autres termes, son cœur est prêt à exploser, rempli du sentiment que Lou lui inspire : « un régiment d’artillerie / En marche mon cœur d’Artilleur » (v. 12-13). On voit que les champs lexicaux de l’amour et de la guerre se superposent : le « cœur » est désormais une arme, une machine de guerre, non pour tuer mais pour aimer. C’est une manière pour le poète de dire combien le désir amoureux est intense, violent et son engagement amoureux total. Dans la quatrième strophe, il lui jure fidélité (« je te prends toute / Tu m’appartiens je t’appartiens) et l’emmène symboliquement avec lui (« ensemble nous faisons la route »). La valeur performative2 du langage poétique permet au poète de résister contre le déchirement de la séparation et la violence de la guerre.
Ce champ lexical guerrier évoque aussi la mobilisation imminente : Apollinaire, au moment d’écrire, s’apprête à partir au front (« Un tramway descend vitement / Trouant la nuit la nuit de verre », v. 21 et 22). Son amour devient ainsi un ultime acte de résistance intérieure face à la violence du monde et à l’angoisse suscitée par la guerre. Lors de ce départ, les « beaux yeux » de Lou envoient au poète de la « lumière », métaphore de l’amour et de la douceur de la femme aimée au milieu de cette « nuit de verre » que représente le départ au front.
La femme aimée apparaît au vers 20 comme une figure consolatrice (« ces petits riens / Qui console qui les écoute »). Elle est interpellée de manière récurrente (« Écoute-le » répété deux fois au premier et au dernier vers de la troisième strophe, anadiplose3 de « petite sœur »).
L’amour est vécu comme un combat intime, où l’aimée devient l’enjeu d’une conquête et d’un engagement total, mais aussi un refuge contre la guerre extérieure. [conclusion partielle partie II]

1. Martial : guerrier (ce terme vient du nom Mars, dieu de la guerre dans la mythologie romaine).
2. Valeur performative : le fait de dire correspond à un acte. Dire « je te promets » engage l’action de promettre.
3. Anadiplose : figure de pensée par laquelle on reprend les derniers mots d’un vers au début du vers qui suit.

La mésange, un avatar de la femme aimée

À partir du vers 26, on remarque une nette rupture : le poète passe du discours au récit. Le complément circonstanciel « ce matin » et le passé simple « vint » indiquent que le temps du départ est passé. Le poète se trouve dans un « joli val » (v. 29), à « cheval » (v. 28). Le cadre idyllique (dernière strophe : « vallon », « soleil », « bel oiseau ») contraste singulièrement avec l’atmosphère nocturne et inquiétante des strophes précédentes.
Dans ce cadre bucolique, il décrit une mésange qu’il assimile très vite à Lou elle-même. Dans la rêverie du poète, qu’il qualifie de « vision étrange », il s’agit d’abord, « peut-être », d’un « ange » (v 28), « exilé » (v. 29) dans le val. C’est dans la strophe suivante que le glissement s’effectue, à l’aide des déterminants possessifs « ses », « tes » et « son », « ton » (« ses yeux c’était tes jolis yeux / Son plumage ta chevelure »). Progressivement le chant de l’oiseau devient le messager des mots d’amour que les amants se murmurent dans l’intimité (v. 33 à 35 : « Son chant les mots mystérieux / Qu’à mes oreilles on susurre / Quand nous sommes bien seuls tous deux »).
Cette métamorphose de la femme aimée en oiseau, dans l’imagination du poète, peut être interprétée comme une tentative d’échapper à la réalité guerrière et de pallier l’absence de la femme aimée. Mais cette échappatoire peut aussi être lue comme une représentation des pouvoirs de la poésie. En effet, dans la dernière strophe, la description de la mésange s’efface pour laisser place au vent qui « criait un long poème » comme si la femme-mésange avait inspiré la nature elle-même. Le dernier vers, « Au bel oiseau j’ai dit Je t’aime ! » confirme cette lecture : la mésange a permis de faire le *lien entre l’amour de Lou et les pouvoirs consolateurs de la poésie. [conclusion partielle III]

Conclusion

Dans « La Mésange », Apollinaire sublime l’amour par la métaphore militaire. Il y exprime une passion totale, fusionnelle, à la fois puissante et inquiète, dans un monde menacé par la guerre. Le poème mêle ainsi la force du sentiment et la fragilité de la condition humaine, comme souvent dans les Poèmes à Lou. Mais en intitulant son poème « La Mésange », Apollinaire invite également le lecteur à voir dans l’oiseau, non seulement une métaphore de la femme inspiratrice et consolatrice mais aussi et peut-être surtout, une célébration des pouvoirs de la poésie dans un monde ravagé par la guerre. [réponse à la problématique : bilan des 3 parties]
On pourrait rapprocher ce texte de certains poèmes des Yeux d’Elsa d’Aragon, où le poète célèbre la femme aimée comme une muse, ou encore de certaines lettres poignantes de Poilus, dans lesquelles l’amour devient un rempart contre l’horreur des tranchées. [élargissement]

bannière astuce

Astuce

Si vous le pouvez (ce n’est pas obligatoire mais cela peut faire la différence dans une copie), terminez votre conclusion par un élargissement, une ouverture à un autre poème (une autre œuvre, un autre poète) en lien avec le texte à l’étude pour prolonger la réflexion. Pensez notamment aux thèmes communs (ici la guerre et l’amour) ainsi qu’à d’autres poèmes du même auteur.